
Depuis ma dernière visite en 2006, le géant de l'Afrique, déjà affecté par le réchauffement climatique et point culminant du continent, a vu ses glaciers se réduire d'une façon alarmante. Le Kibo dont le pic Uhuru atteint 5891 mètres, sommet du Kilimandjaro, est frappé par ce bouleversement sournois qui condamne irrémédiablement glaciers et neiges éternelles de ce géant du continent. Le peuple Massaï qui occupe les territoires autour de la montagne entre la Tanzanie et le Kenya constate chaque année la disparition progressive du manteau blanc dont il ne reste à la saison sèche que quelques langues de glace visibles notamment depuis la savane d'Amboseli au Kenya, refuge d'une faune exceptionnelle qui vit de l'écosystème généré par l'écoulement de l'eau issue des glaciers. C'est tout un équilibre naturel qui va se fragiliser et faire disparaître une partie de la vie animale côté tanzanien comme à Amboseli, côté kenyan, réserve de la biosphère de l’Unesco depuis 1980. Lorsque l'eau ne s'écoulera plus du sommet du Kilimandjaro, les marais au pied de la montagne et les laquets d'eau fraîche s'assécheront et mettront en péril les hippopotames et le havre de paix de quelques milliers d'éléphants de la savane d'Amboseli. Impuissants, les thérapeutes du climat sont au chevet du géant mais ils ne peuvent plus rien désormais, sinon subir et constater ce désastre écologique. Le compte à rebours est engagé, et le Kilimandjaro aura probablement perdu ses glaciers d'ici 2030 ou 2040 pour les plus optimistes. Alors seules les neiges issues des précipitations à la saison des pluies revêtiront le sommet quelques semaines par an pour donner l'illusion que ce seigneur de la savane africaine demeure toujours la montagne mythique du peuple massaï. A l’image de la planète probablement condamnée désormais, le Kilimandjaro agonise. L’égoïsme et la bêtise abyssale de sapiens à la recherche du profit à court terme auront anéanti ou fragilisé tous les biotopes de la planète en moins de deux siècles. L’homme détruit, et en détruisant il forge un monde qui inévitablement le détruira. Stephen Hawking, récemment disparu, a fixé la fin de l’humanité à deux siècles, trois au mieux, si elle ne se ressaisit pas de manière radicale et urgente. La lente agonie de la montagne sacrée des massais est un épisode supplémentaire de l’inévitable fin programmée. A moins d’un ultime sursaut global, planétaire et désespéré pour sauver les écosystèmes. Mais est-il encore temps ?…
Philippe Estrade.
photo 1: Le peuple massaï occupe les terres autour du Kilimandjaro, du Kenya à la Tanzanie.
photo 2: Au décollage de Mombassa sur la côte de l'océan Indien, on peut apercevoir le Kilimandjaro à gauche de l'appareil.
photo 3: Le Kilimandjaro depuis la plaine d'Amboseli au Kenya.